En 2020, 2780 personnes sont décédées en France, soit 21 % de moins qu’en 2019. Si cette baisse ne peut-être que remarquée par son importance, elle doit néanmoins être approchée avec prudence compte tenu de la pandémie de la Covid 19. Sur ce nombre de victimes décédées, 78 % sont des hommes, contre 22 % de femmes.
Cela représente autant d’épouses, de conjointes que de maris et compagnons. Les familles endeuillées font alors face, lorsque l’accident a impliqué un autre véhicule, tant à un procès pénal, qu’à une phase indemnitaire avec l’assureur du tiers responsable.
Quelle place pour la famille de la victime décédée dans le procès pénal ?
Très peu de temps après l’accident, les services de Police et de Gendarmerie demandent à la famille proche de la victime décédée ou n’étant pas en mesure de se manifester, si elle se souhaite se constituer partie civile. Se pose alors fréquemment la question du pourquoi.
Pourquoi se porter civile ?
Pour avoir accès au dossier pénal
Avant toute chose, se porter civile permettra à son avocat d’avoir accès au dossier, lorsque l’enquête sera clôturée. Pour la famille de la victime décédée, cet accès permet de comprendre les circonstances de l’accident, souvent indispensable pour reconstituer le film et répondre aux nombreuses questions de la famille. La lecture du dossier permet également parfois de comprendre que, ce qui s’apparentait à un simple accident, « qui pourrait arriver à tout le monde » est le résultat, en réalité, d’un concours de graves erreurs de conduite.
A titre d’exemple, le cabinet de Maître Cécile Bigre a été saisi à la suite d’un grave accident de la route sur l’autoroute, mortel, un jour de forte pluie. Les clients, reçus très rapidement après les faits, hésitaient à se constituer partie civile pensant que, compte tenu des circonstances météorologiques, n’importe qui aurait pu patiner et provoquer ledit accident.
Toutefois, au bout d’un an d’enquête, le dossier pénal révélera que l’auteur de l’accident roulait au-dessus des limitations de vitesse et pianoter sur son téléphone en conduisant. Les clients, dont le mari de la défunte, entendait dès lors s’exprimer à l’audience pénale.
Pour assister au procès pénal
Les accidents de la route grave, mortel, sont qualifiés juridiquement d’homicide involontaire (article 221-6 du Code pénal). L’autre conducteur, impliqué, n’a pas souhaité le décès de la victime mais a commis une ou plusieurs fautes ayant conduites à la réalisation du dommage.
La juridiction compétente est le Tribunal correctionnel et ses audiences pour homicide involontaire sont lourdes d’émotions. Le conjoint survivant, la veuve, les enfants, les parents, toute la famille proche de la victime décédée peuvent se présenter au Tribunal.
Généralement, seuls les proches ayant assisté à l’accident témoigneront mais le Tribunal ne refuse pas à une épouse, une mère de prendre la parole si elle le souhaite. L’audience pénale est alors le lieu de rencontre entre la famille de la victime décédée et l’autre conducteur impliqué, devenu prévenu. Il s’agira probablement de la seule rencontre, en milieu sécurisé. Cette étape, pour certaines victimes, s’avère nécessaire dans leur travail de deuil.
Quelle indemnisation pour le conjoint survivant ?
Préjudice d’affection
Usuellement, seul le préjudice moral de la victime par ricochet est évoqué. Ce poste de préjudice, appelé le préjudice d’affection, vise à indemniser la perte du lien affectif avec la victime décédée.
Le préjudice est d’autant plus important qu’il existait une communauté de vie avec la victime. La victime par ricochet doit alors justifier son lien de famille ou de proximité avec la victime directe.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 décembre 2017, n°16-26.687, a retenu :
« Dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu ; qu’ayant estimé que Zachary C… souffrait de l’absence définitive de son père décédé dans l’accident du […], la cour d’appel a caractérisé l’existence d’un préjudice moral ainsi que le lien de causalité entre le décès accidentel de Abdallah C… et ce préjudice »
Préjudice d’accompagnement
Ce préjudice vise à indemniser l’accompagnement de fin de vie, les troubles et perturbations dans les conditions d’existence d’un proche, pendant la maladie traumatique de la victime jusqu’à son décès.
Exemple : la victime d’un accident grave de la circulation ne décédera pas immédiatement mais après des semaines ou des mois passés à l’hôpital.
Perte de revenus des proches
La perte d’un conjoint, d’une compagne peut également avoir des répercussions économiques considérables sur l’équilibre familial.
A titre d’exemple, un couple avec deux enfants en bas âge, seul Monsieur travaillait.
Son décès entraînera de facto une perte de salaire préjudiciable à la femme survivante mais également aux deux enfants. C’est pourquoi, est indemnisé le préjudice économique.
Nullement défini par la loi ou par la doctrine, il s’agit avant tout d’une atteinte patrimoniale. Il peut également y avoir préjudice économique par la perte d’une activité non rémunérée de la victime décédée.
Exemple : à la suite du décès de l’épouse, l’époux survivant doit embaucher une nourrice. La perte économique peut également être constituée par l’arrêt d’activité de l’épouse ou du conjoint de la victime décédée brutalement, et sous le choc.
Comment est calculé le préjudice économique ?
L’assistance d’un avocat spécialisée en droit du dommage corporel s’avère, à ce stade, indispensable. En effet, la perte de revenus est calculée par la différence de revenu avant et après accident. Rentrent toutefois en compte, les parts d’autoconsommation de chaque membre du foyer et surtout les revenus perçus du fait de l’accident. A ce titre, doivent être intégrés au calcul notamment, le montant de la pension de réversion lorsqu’elle est versée par un organisme de sécurité sociale, du capital décès versé par l’organisme de sécurité sociale.
Selon la Cour de cassation, « en cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par l’ensemble de la famille proche du défunt doit être évalué en prenant pour élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe, en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci, et des revenus que continue à percevoir le conjoint, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant ». (Civ. 2e, 7 avr. 2011, n° 10-12.948 ; 8 mai 2013, n° 12-14.465 ; 20 nov. 2014, n° 13-25.564 ; 5 mars 2015, n° 14-14.198 ; 19 mai 2016, n° 15-23.160 ; Crim. 2 févr. 2016, n° 15-80.268 ; Civ. 2e, 7 févr. 2019, n° 18-13.354). Elle ajoute que, pour déterminer le montant du préjudice économique, « seuls doivent être pris en considération les revenus perçus par le conjoint survivant antérieurement au décès et maintenus après celui-ci ». Là encore, l’affirmation est classique (Civ. 2e, 10 févr. 2011, n° 10-10.089 ; 7 avr. 2011, n° 10-12.948 ; 3 oct. 2013, n° 12-23.377 ; 5 mars 2015, n° 14-14.198 ; 24 mai 2018, n° 17-19.740).
Enfin, dans un arrêt récent du 16 septembre 2021, la 2ème Chambre civile est venue inclure dans ce calcul « tout nouveau revenu qui est la conséquence directe et nécessaire du décès » Civ. 2e, 16 sept. 2021, F-B, n° 20-14.383
En conséquence, l’indemnisation de la femme, du mari de la victime d’un accident de le route mortel n’est pas aussi simple qu’elle n’y paraît aux premiers abords. Une victime mal renseignée et mal conseillée pourrait dès lors rapidement en subir les frais face à un assureur automobile rodé à ces processus indemnitaires. Il ne peut dès lors être que conseillé de faire appel à un avocat spécialisé en droit du dommage corporel, chevronné à la défense des victimes et de leurs familles.